Parenthèse à… Rome. Vivre d’art & de pasta !


ESCAPADES, PARENTHESE A... / dimanche, avril 14th, 2024

Il y a quelques mois nous avons passé quatre jours à Rome ! Comme à son habitude, l’Italie m’a enlacée & étreinte de sa douceur de vivre & de son éternelle beauté. Elle m’a nourrie le corps & l’esprit à la faveur de ses chefs-d’œuvre sublimes & de ses plats de pasta savoureux. De l’art à l’assiette en Italie il n’y a qu’un pas & cette intimité m’enchante ! Passer de la découverte de palais renaissants aux fresques somptueuses aux trattorie situées au cœur de placettes au charme insoupçonné représente pour moi une certaine idée du bonheur ! Pour cet article, j’ai donc voulu mettre en lumière cette mise en abîme de la nourriture du corps & de l’esprit en vous proposant quelques adresses, quelques moments, en somme quelques parenthèses. Une alternance de beau & de bon qui a rythmé notre escapade romaine & qui de façon inattendue, au fil de l’écriture, m’a conduite à rêver & à vous parler d’une soirée emblématique, de celle où un pan de l’histoire est en train de s’écrire…

Un quartier : Il Campo dei Fiori.

Moi qui considère le choix du logement comme une composante fondamentale de nos échappées italiennes, cette fois-ci, je ne m’étendrai pas. Hors de prix & sans intérêts ; si ce n’est la localisation ! Niché Vicolo delle Grotte, à deux pas du Campo dei Fiori, ce petit appartement m’a permis de découvrir une « autre » facette de la ville éternelle, plus « renaissante », plus « vivante ». Cette place est devenue le point névralgique de notre séjour : petit déjeuner, déjeuner, dîner, balade ! Idéalement située entre le Quartier du Trastevere & le centre historique, entre les principaux sites & la vie romaine ! Bordée de parts & d’autres de trattorie, pizzerie, gelaterie, panifici ou encore macellerie ; le cœur de Rome bat ici. J’ai aimé l’ambiance du marché, les couleurs des étals, le brouhaha, les ape qui circulent « le ventre » débordant de victuailles ! Le Campo dei Fiori est un lieu animé, coloré, contrasté ! Au creux de l’agitation, du bruit, des produits trop touristiques, il y a aussi des scènes joliment désuètes comme cette vieille dame en train d’émincer de la puntarelle & là, le silence se fait, le temps s’arrête.

Una Trattoria : Verso sera.

Si notre logement a été une véritable déception, chacun des restaurants fréquentés nous a apporté entière satisfaction & chaque plat de pasta, son lot de joie ! Je m’attarderai ici sur notre premier repas qui, après une matinée plutôt compliquée, (vol raté, rachat de billets, attente à l’aéroport, perturbations durant le vol & j’en passe ! ) s’est révélé une parenthèse enchantée ; de celle où la pression redescend, où les tensions se dénouent, où le stress s’apaise devant un bon plat de cacio e pepe & un verre de vin rouge ! La trattoria Verso Sera se situe sur la Piazza del Biscione, petite place adjacente à la Piazza del Campo dei Fiori. Un espace en retrait, à l’écart de l’effervescence du marché. Une brèche ouverte sur une Rome moins touristique, plus authentique. L’enseigne Verso Sera est « accrochée » sur une façade patinée, aux tonalités brunes, presque mordorées. Juste à côté, un autre mur, formant un angle sur lequel se détachent les quelques tables dressées à l’extérieur, décoré de fresques vieillies & orné d’une Madone, appelée la Madonna del latte, qui veille sur tout ce petit monde.

Une visite : La Villa Farnesina.

Le Campo dei Fiori est entouré de palais Renaissance. Le Palais Farnèse, Le Palais de la Chancellerie, Le Palais Spada & en face, de l’autre côté du Tibre, la merveille des merveilles, La Farnesina. Emprunter le Ponte Sisto, traverser le Tibre, s’enfoncer dans le Quartier du Trastevere, passer la Porta Settimana, longer la Via Lungara & découvrir une Villa à la beauté époustouflante ; un bijou niché dans un écrin de verdure. En 1505, Agostino Chigi, riche banquier siennois, fait l’acquisition d’un terrain situé sur les bords du Tibre dans le but d’y faire construire une villa. Il convoque alors les plus grands artistes de son temps : Baldassare Peruzzi, Sebastiano del Piombo, Sodoma, Giulio Romano & Raphaël. De ces collaborations naîtront des décors somptueux, des fresques éblouissantes à la gloire du maître des lieux. J’aime les villas notamment pour leur rapport avec l’extérieur. Il faut imaginer cette maison entourée de vignes, d’oliviers, la loggia de Psyché comme un prolongement de cette nature omniprésente & celle de Galatée ouverte sur l’extérieur ; c’est là que se déroulaient les opulents banquets organisés par Agostino Chigi. Bien sûr, il y aurait beaucoup à dire sur ce monument… Et mes appétences me pousseraient à m’intéresser tout particulièrement à la dimension astrologique du programme iconographique du plafond de la Salle de Galatée. J’ai été subjuguée par la beauté des fresques de Raphaël, troublée par la sensualité de celles de Sodoma… mais j’ai été fascinée par les représentations de Baldassarre Peruzzi qui recouvrent la voûte de constellations & de signes du zodiaque définissant par leurs positions le thème astrologique d’Agostino Chigi. Une pièce pensée comme une représentation de l’univers qui m’a immédiatement replongée dans mes recherches sur le Palazzo Vecchio & notamment sur La Salle des Éléments. Je suis attirée, captivée, presque « envoûtée » par ce type de programmes iconographiques que l’on retrouve également dans le Palazzo della Ragione à Padoue, dans le Palazzo Schifanoia à Ferrare, dans les coupoles de la Sagrestia Vecchia à San Lorenzo et de la Cappella Pazzi à Florence ou encore sur le plafond de la Stanza delle Muse à la Villa Médicis à Rome.

Un plat : La Pasta Romana

La Pasta  Romana ! Nous les avons toutes testées &, sans surprise, nous les avons toutes approuvées ! De la cacio e pepe à la carbonara en passant par la grigia & l’amatriciana ! Le point commun ? Le pecorino ! C’est la base ! C’est à partir de là que l’histoire commence ! Du Moyen-âge au XVII ème siècle, c’est la Cacio (base de pecorino) qui prédomine puis, au XVII ème siècle, on ajoute le poivre : la cacio & pepe est née ! Quatre ingrédients : du fromage, du poivre, de l’eau de cuisson & surtout, surtout beaucoup d’expérience ! Derrière la simplicité de cette recette se cache un savoir-faire extrêmement précis ! Au XVII ème siècle toujours, on ajoute du guanciale ; à partir de là deux nouveaux plats feront leur apparition au XX ème siècle : L’Amatriciana dans laquelle on ajoute tomates, huile d’olive, vin blanc, piment & la célèbre carbonara, où on ajoute des œufs ! À noter que pour cette généalogie je me suis très largement inspirée du magnifique On va déguster l’Italie de François-Régis Gaudry & ses amis.

Un moment : 12h, Taverna Agape.

Entre la visite de la sublime Farnesina & la découverte du magnifique Palais Altemps & sur les conseils de notre charmante hôtesse de l’hôtel Campo dei Fiori, nous avons fait une pause à La Taverna Agape située Piazza San Simeone entre la Piazza Navona & la Via dei Coronari. Tout d’abord, je suis tombée sous le charme de cette placette : une fontaine, des façades patinées, peu de touristes & une carte à tomber ! À ce tableau déjà très séduisant, ce sont ajoutées deux scènes qui ont rendu ce moment comme… suspendu ! Tout d’abord, il y a eu cet italien en costume bleu marine, que j’ai observé avec délectation (non pas pour les raisons que vous pourriez imaginer) mais pour son élégance, pour sa sprezzatura & surtout pour sa leçon de « se mettre à table » : seul, assis à sa table, je l’ai regardé déplier sa grande serviette blanche en tissu & l’attacher méthodiquement autour de son cou avant de déguster son plat de pasta !  Quelle élégance, quel sens du détail, quelle classe ! Je détourne le regard pour ne pas paraître trop insistante & je me rends compte, qu’entretemps, un homme est venu s’installé sur la Piazza, juste à côté de la fontaine, avec son violoncelle. Il se met à jouer différents morceaux de musique jusqu’à ce que je reconnaisse cette mélodie qui me bouleverse tant, composée par Ennio Morricone pour le film Cinema Paradiso. Tout à coup, la beauté de l’instant s’intensifie, les notes ricochent sur les façades vieillies & l’émotion s’amplifie. La profondeur, la résonance des cordes qui viennent toujours me toucher non pas en plein cœur mais au plus profond de mes entrailles… les larmes affleurent, l’émotion est là, le temps s’arrête, la parenthèse se profile, se forme & s’éternise.

Une vue : La terrasse de l’Hôtel Campo dei Fiori.

Je vous l’ai dit, le Campo dei Fiori aura été durant ces quelques jours le centre névralgique de notre parenthèse. Et si notre logement n’a pas été à la hauteur de nos attentes, l’accueil qui nous a été réservé à l’Hôtel Campo dei Fiori, que je vous recommande chaleureusement pour un prochain séjour romain, aura gommé tous ces désagréments en nous offrant une hospitalité irréprochable tant au niveau des conseils, que de l’aide pour la réservation des taxis & en nous ouvrant les portes de ses terrasses où nous avons savouré apéritifs & petits déjeuners en jouissant d’une vue à 360 degrés sur la cité éternelle. Déguster de la foccacia, des cornetti, des caffè & cappuccini seuls avec tout autour de nous les monuments de Rome qui émergent au-dessus des toits de la ville.

Au-delà de la parenthèse… une rêverie.

Cette parenthèse romaine aura été nimbée de l’aura de la Renaissance telle une étreinte, une lueur… l’aube d’un nouveau chemin… Loger au creux du quartier de Parione, à proximité des monuments de cette période qui m’inspire & me passionne, qui m’anime & m’exalte, entourée de ces palais somptueux m’a plongée dans un état de rêverie… Je n’ai pu m’empêcher de penser à la période romaine de Giorgio Vasari. Au Palais de la Chancellerie où il couvrit de fresques celle que l’on nomme depuis « La salle des Cent jours » ou encore au Palais Farnèse où il passait ses soirées… Fermer les yeux & sentire les conversations qui devaient s’élever de ces jardins dissimulés, imaginer ces repas où l’on devait déguster du bon vin, savourer des plats raffinés, autour de discussions érudites sur les débats de l’époque, sur l’art en général, sur le statut de l’artiste en particulier… Dans sa propre Vie, Vasari suggère que c’est au cours d’une de ces chaudes soirées d’été qu’est né le projet de son chef d’œuvre littéraire, Le Vite. Et pour situer cette genèse, laissez-moi vous rapporter un extrait de la Biographie écrite par Roland Le Mollé (spécialiste du Maniérisme italien & plus spécialement de Vasari) : Giorgio Vasari, L’homme des Médicis. Des lignes, vous vous en doutez, que j’aurais aimé écrire… un passage romancé, romanesque que Vasari aurait sans doute approuvé & apprécié lui dont, selon l’écrivain & historien de l’art Germain Bazin, la conception de l’histoire n’était « point d’être vraie, mais vraisemblable ». Le passage est un peu long… mais nous avons tout notre temps, non ?

« A monter & descendre toute la journée le long des échafaudages dressés dans la grande salle de la Chancellerie, au milieu des seaux, des pinceaux, des couleurs à broyer, des aiuti qu’il faut diriger, le travail de Vasari était harassant. Comme il n’avait pas une minute à perdre, les journées devaient être longues. Le seul moment de véritable détente qu’il était donné au jeune artiste de pouvoir apprécier, c’était les soirées qu’il passait dans la demeure du Cardinal Alexandre Farnèse, puissant vice-chancelier de Paul III et de son neveu. Chaque soir se réunissait autour du prélat une véritable petite cour d’humanistes. Pendant les repas où l’on appréciait autant les bons vins et les plats raffinés que les conversations érudites, on se plaisait aussi à échanger des mots d’esprit et des informations savantes […].

Pour le moment Vasari, exténué, célèbre en 1546 la gloire du pontificat de Paul III sur les murs de la Chancellerie, et, le soir, après sa journée de travail, il se détend en assistant au repas du cardinal et en s’entretenant avec les amis de son cénacle qui, entre-temps, sont devenus aussi les siens. Or voilà qu’un soir la conversation tombe sur le musée de Paolo Giovio. On évoque la série des tableaux bien rangés, bien classés sur les murs de la villa, on le félicite pour les notices bien informées qui les accompagnent. A un moment, « passant d’un sujet à l’autre comme cela se produit dans une conversation », explique Vasari, Giovio dévoile son nouveau projet : il voudrait ajouter à ses Elogia un petit traité consacré aux seuls artistes du dessin, et il précise : « depuis Cimabue jusqu’à notre époque ». […]

Qu’en dites-vous, Giorgio ? Ne serait-ce pas là un bel ouvrage et un bon travail ?

Vasari est gêné car il a constaté, dans les propos de Giovio, un certain nombre de confusions […]

– Certainement, illustre Seigneur, à condition que Giorgio soit aidé par un spécialiste de l’art pour remettre les choses à leur place et les relater exactement.

Que n’avait pas dit là le malheureux Giorgio ? Aussitôt, Annibal Caro, Claudio Tolomei et tous les autres demandent à Vasari, le seul « professionnel » du groupe, de bien vouloir aider Giorgio dans son entreprise […]. »

Finalement, la « tâche » lui incombera, le projet des Vite deviendra « exclusivement » le sien & Vasari passera à la postérité comme l’auteur de ce chef d’œuvre littéraire.

« […] Les Vies ont conféré à Vasari une place exceptionnelle dans la création littéraire. C’est le moment où l’écrivain a supplanté le peintre. A partir du terrain vierge de sa noble ignorance, dans un domaine qu’il allait entièrement édifier, Vasari a su élaborer le premier traité de l’histoire de l’art et, en même temps, inventer le langage et les méthodes de la critique d’art. Par la même, il devenait le créateur d’un nouveau genre littéraire. En effet, il ne faut pas considérer les Vies comme un simple réservoir d’informations sur l’art italien, une espèce de répertoire commode où puiser à la demande. C’est au contraire le traité d’un humaniste qui, en voulant conserver la mémoire des artistes disparus et en valorisant ceux qui vivaient encore, confère toute sa crédibilité et sa grandeur à l’histoire de l’art et à la réflexion sur l’art. Vasari n’est pas un encyclopédiste. Son propos est d’une grande noblesse : « J’ai rapporté les vies, l’activité, les styles et les conditions de tous ceux qui ont ressuscités les arts tombés en léthargie, puis les ont progressivement élevés, enrichis et portés enfin à ce degré de solennelle beauté où ils se trouvent aujourd’hui (Dédicace de l’édition de 1550 à Cosimo Ier). »

A presto,

Carole

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