Art de vivre & Renaissance


ART DE VIVRE, INSPIRATION, PARENTHESES CULTURELLES / lundi, décembre 23rd, 2024

Le 1er octobre dernier Manon Lethenet, hôte du podcast « Dis Siri, quelle est ma voix(e) ? », rebrandé depuis en «Voix singulière », posait son micro dans mon petit coin au fond du jardin. En perspective : l’art de vivre et d’être soi-même ; avec en filigrane, un article intitulé « L’art de vivre ou l’art de créer sa vie, l’art de vivre et l’art d’être soi ».

Pour être totalement transparente, lorsque Manon m’a contactée pour faire ce podcast autour de ce texte écrit plusieurs années auparavant, je lui ai fait part de mes doutes. J’avais la sensation de ne plus être dans l’énergie qui m’avait accompagnée lors de la rédaction de ces lignes. Puis, je me suis dit que c’était une expérience que j’avais envie de vivre & j’ai bien fait ! Revenir sur mon parcours, sur les différentes étapes, sur mes choix, parler de cette petite flamme qui a toujours frémi en moi, m’a fait énormément de bien !

Ce qui m’a également touchée c’est le prisme à travers lequel Manon a orienté ses questions comme le cheminement de l’épisode. En mettant en lumière ce lien assez inattendu entre l’art de de vivre & la Renaissance, elle est venue toucher à quelque chose qui, je crois, me définit. Un sujet sur lequel j’ai eu envie de m’attarder un peu plus longuement ici.

Depuis les prémices de mon travail de thèse, je perçois des connexions entre les courants de pensées qui traversent, colorent la période de la Renaissance italienne & certains raisonnements actuels sur l’art de vivre et le « développement personnel ». Ce sont des analogies subtiles & personnelles qui ne sont pas faciles à exprimer au travers de mots car elles relèvent essentiellement du ressenti, de mon ressenti.

Toutefois, pour faire suite au podcast et pour clarifier mon propos, j’aimerais proposer trois axes autour de cette analogie. Bien sûr le terme même de Renaissance induit l’idée d’une renaissance personnelle et bien sûr le mot « art » met en évidence le travail que suppose le fait de se connaître pour créer, en conséquence, sa vie. Mais il est possible d’aller encore plus loin en parlant par exemple de la place de l’Homme à la Renaissance, de l’adage « Festina Tarde » ou encore de peintures talismaniques. Ce sont des pistes non exhaustives & des concepts qui nécessiteraient d’être approfondis ; mon seul objectif est d’énoncer des idées & de tenter de préciser ma pensée.

 

La place de l’Homme à la Renaissance

 Je suis tombée dernièrement sur une phrase qui résume très bien ce lien que je perçois entre l’homme de la Renaissance & nos préoccupations actuelles : « L’homme de la Renaissance se caractérisa par l’aspiration à se connaître et aussi à se réaliser lui-même ». (Aldo Manuzio, Le Michel-Ange du livre). Cette assertion s’insère, selon moi, parfaitement dans cette idée d’art d’être soi & de créer sa vie.

À la Renaissance, l’homme est en effet perçu comme un être exceptionnel, doté de libre arbitre. Il devient acteur de son existence, artisan de sa destinée & si l’on appréhende cette thématique à travers le prisme de l’ésotérisme, il recouvre même son pouvoir créateur. J’ai toujours perçu dans ce concept une dimension très actuelle & un lien évident avec la question du développement personnel qui nous incite à renouer justement avec ce « pouvoir créateur » : la visualisation, la manifestation sont autant d’outils modernes sur lesquels je reviendrai.

Être l’artisan de son quotidien, le façonner pour lui donner la forme désirée, lui apposer les couleurs convoitées… Car l’art de vivre revient à délimiter les contours de sa vie, à lui souffler une direction, à lui imprimer une vision, à lui donner un sens à travers des choix qui conduiront littéralement à créer sa vie.

Être l’artiste de sa vie, cela implique également de manifester son style, de mettre en lumière sa singularité, d’exprimer son unicité. Là encore, la passerelle est intéressante. Mon travail de thèse porte sur Giorgio Vasari, écrivain, architecte, peintre, maître d’œuvre toscan. Il est considéré par certains critiques comme le point de départ du maniérisme parce qu’il a été le premier à avoir popularisé le terme de « manière ».

La maniera représente un courant artistique essentiellement florentin. Dans ce cas, elle exprime un processus collectif : la vecchia maniera (Giotto), la maniera moderna (Masaccio) et la bella maniera (Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange). Cette dernière, la bella maniera, implique des qualités exceptionnelles que sont la misural’ordinela regolale disegno et la maniera. La seconde acception du terme maniera désigne le style personnel d’un artiste qui, pour Giorgio Vasari, n’est acceptable que s’il remplit les critères énoncés ci-dessus.

Entre l’Homme de la Renaissance qui acquiert une place centrale & cette idée actuelle de se placer au centre de sa vie, il y a pour moi un rapport certain.

 

La devise Festina Tarde, Festina Lente

J’en ai déjà parlé ici & sur mon compte Instagram mais cette devise fait partie intégrante de ces « ponts » évidents entre la Renaissance & mon art de vivre. L’adage latin « Festina tarde » ou « Festina lente », qui signifie « Hâte toi lentement », induit une forme de maîtrise sur le temps. Ce temps après lequel, dans nos vies surchargées, nous courons sans cesse ! À tel point que, parfois, nous perdons le sens !

Quel est le lien avec la Renaissance me direz-vous ?  Cosme Ier de Médicis reprend dans son discours iconographique, à travers l’image symbolique de la tortue & de la voile, cette devise et la fait sienne. La tortue symbole de lenteur, de prudence, de sagesse & la voile, image du mouvement, de la vitesse, de la direction.

Pour ma part, c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai démissionné. Le besoin, la nécessité de mettre davantage de lenteur dans mon quotidien. Je n’aime pas les rythmes effrénés, je préfère de loin la douceur de vivre. Ne vous y trompez pas, j’aime que mes journées soient bien remplies mais tout en respectant un certain rythme, le mien, celui de ma terre provençale, celui de mes bords de Méditerranée. Cela ne veut pas dire ne rien faire mais justement me hâter lentement…

Prendre son temps, respecter son rythme, nous en avons parlé dans le podcast justement.

Dans un second aspect, cette devise me souffle d’agir sans pression mais avec intention. Elle m’encourage à garder le cap, à être patiente, à faire confiance. Elle m’invite à m’arrimer fermement à mes intuitions, à manifester mes évidences.

Me hâter lentement… afin de savourer & apprécier chaque étape, chaque avancée… Me hâter lentement vers ma réalisation en faisant un pas après l’autre, en posant une pierre au-dessus de l’autre pour bâtir & édifier un projet très personnel… Me hâter lentement avec sagesse & bienveillance, en m’allégeant un peu de cette exigence qui me constitue, m’anime & en même temps me freine… Me hâter lentement d’être chaque jour un peu plus moi-même…

 

Des Images talismaniques au Vision Board

Depuis le début de cette aventure, je suis donc fascinée par le fait de jeter des passages entre la Renaissance & nos vies actuelles. Dans cette perspective, il y a longtemps que je souhaite abordée cette « thématique » du talisman en peinture comme un précurseur du très à la mode Vision Board. J’ai découvert l’existence de ce type de peintures lors de mes recherches, notamment lors de la partie dédiée à l’art de la mémoire. Il est difficile de rapporter ici en quelques lignes un sujet complexe qui évolue dans le temps & au travers de différents courants de pensées… Il faudrait évoquer Marsile Ficin ou encore Giulio Camillo… J’ai donc choisi de me concentrer sur un exemple évoqué dans ma thèse ; j’espère ne pas trop raccourcir le cheminement nécessaire à la mise en relation du passé & du présent

À la naissance de Ferdinando I, soit en 1549, Cosimo I dei Medici fait réaliser un horoscope de naissance qui prédit un destin de souverain à ce cinquième fils. Le duc de Florence décide alors de dissimuler ce document qui présage implicitement la mort prématurée de ses quatre premiers enfants mâles. De fait, trois d’entre eux, Jean, Pietro & Garzia, meurent jeunes. Francesco I, l’aîné, succède logiquement à son père au titre de grand-duc de Toscane. Ferdinando I, quant à lui, devient cardinal à l’âge de 13 ans. En 1576, il achète une Villa sur le Pincio, la future Villa Médicis. Il confie la décoration intérieure à Jacopo Zucchi, un ancien collaborateur de Giorgio Vasari. Dans sa chambre à coucher, La Chambre des Muses, le cardinal fait représenter une peinture qui s’apparente, selon les spécialistes, à son horoscope. Il semblerait que Ferdinando I ait finalement eu vent de son horoscope et donc « son destin ». Ce qui est saisissant, c’est qu’en 1584, date à laquelle Jacopo Zucchi exécute ces peintures, Ferdinando I est fâché avec son frère, Francesco I. Le sujet de la discorde : précisément la succession du grand duché de Toscane. Filippo, le fils de Francesco I et Jeanne d’Autriche est mort et le grand-duc tente d’imposer un fils naturel qu’il a eu avec sa maîtresse, Bianca Capello. Or, Ferdinando I revendique lui aussi ses droits à la succession. Aussi cette peinture astrale, fixée au firmament de sa chambre, que le cardinal observait tous les soirs, avant de s’endormir ne s’apparenterait-elle pas à un vision board ? Le vision board qui, je le rappelle, consiste à créer au travers d’images une représentation visuelle d’une réalité que l’on désire vivre. Une peinture talismanique qui a pour objectif de s’approprier une réalité, dans ce cas un titre souverain. Car, selon la tradition hermétique, les images, à l’instar des talismans, peuvent agir sur l’homme et sa réalité.

Avec cette peinture, Ferdinando I tenta-t-il d’influencer la Providence ? La visualisation ici devient créatrice car en 1587, la mort brutale, suspecte et opportune de son frère aîné, le grand-duc Francesco I lui permit d’accéder à la tête du grand-duché de Toscane.

Comme d’habitude, il y aurait tellement de choses à dire ! Néanmoins, j’espère que ces quelques lignes vous auront permis d’appréhender de façon un peu plus claire ce lien que je perçois entre l’art de vivre & la Renaissance… C’est une liste non exhaustive que je vous propose d’agrémenter au fil du temps…

PS : Si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet de La Chambre des Muses, je vous invite à écouter l’épisode suivant :

A presto,

Carole

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