Des parenthèses qui voilent & qui dévoilent


INSPIRATION / mercredi, juin 1st, 2022

Dernièrement, une discussion est venue mettre en lumière un aspect de ma personnalité comme de ma posture. Alors que je me plaignais du fait que tout ce que j’avais entrepris jusque-là ne s’était pas concrétisé comme je l’espérais, n’avait pas donné naissance à « autre chose », la personne avec laquelle j’étais en train d’échanger m’a posé un certain nombre de questions qui m’ont laissée – je dois bien l’avouer – sans voix. Certes, je ne suis pas spécialement à l’aise à l’oral. Je préfère de loin l’écrit parce qu’il me laisse le temps nécessaire à l’organisation de ma pensée comme de mon propos, parce qu’il me laisse l’espace requis pour peser & choisir mes mots. Bien sûr ces questions ne m’étaient pas étrangères mais l’avantage lorsque l’on fait des monologues c’est qu’on n’est pas obligé de répondre, non ? Deux questions ont notamment retenu mon attention. La première reposait sur le fait d’identifier ce que j’attendais réellement de tous ces projets ? Pourquoi est-ce que finalement, malgré ces entreprises, je restais insatisfaite ? La seconde, davantage axée sur mon projet professionnel, était de me demander comment faisait une personne ou une entreprise pour me trouver ?

Très vite, la plongée dans ces questions m’a mise face à des évidences ; non seulement j’attendais clairement autre chose, quelque chose de grand, quelque chose qui dépasserait mes attentes, quelque chose à la hauteur de mes rêves les plus fous, quelque chose de tellement extraordinaire que je n’aurais pas d’autre choix que de prononcer un grand « oui »… un signe, de ceux qui vous disent que vous êtes sur le bon chemin, presque un soupçon de magie qui enveloppe certaines décisions d’une aura providentielle ; d’autre part, je m’avouais enfin qu’une partie de moi n’avait pas envie que l’on me trouve… Dans la vie de tous les jours, je parle peu de ma thèse, la plupart des gens ne savent pas que je suis docteur, que je propose des services d’écriture, que je tiens un blog, que j’ai un compte Instagram & même sur ces espaces dont le dessein est d’exprimer cette partie de moi je reste souvent plutôt discrète …tout en révélant pourtant, parfois, des choses très intimes.

Montrer mais pas trop, laisser entrevoir, suggérer… C’est clairement l’expression d’une forme de pudeur, c’est aussi la nécessité de ménager une certaine distance, c’est la volonté de préserver une part de mystère. L’image qui me vient est celle de voilages en lin blanc qui, au gré d’une brise légère, révèlent & dissimulent. Finalement, je trouve dans cette métaphore une certaine cohérence avec cette idée de parenthèses, ni totalement fermées, ni totalement ouvertes… un interstice dans lequel il convient de se faufiler si l’on veut étreindre quelque chose de précieux. J’ai besoin de cette part de mystère, elle est constitutive de mon identité. Dans un même temps, j’ai envie de partager ce qui m’anime, ce qui m’émeut, ce qui me fait vibrer. Il faut donc que je parvienne à trouver ce point d’équilibre qui préservera mon essence tout en dessinant un espace dans lequel certaines personnes pourront se glisser & se mouvoir.

Je le disais, cette distance est inhérente à ma personne. Il y a quelque chose de quasi initiatique pour venir jusqu’à moi 😅Mes amies proches pourraient en témoigner (Ma Maud, Ma Vir, Mon Elo ! Si vous me lisez, merci d’avoir persévéré). Quant à Lui… ma vie n’aurait pas cette saveur sans sa détermination… J’ai besoin de temps avant d’accorder ma confiance, mon amitié, mon amour & il en va de même avec les projets que j’entends développer… J’ai besoin de façonner un cocon rassurant, protecteur & bienveillant, mais également stimulant par les échanges qui pourraient y naître. Créer un espace confidentiel mais suffisamment ouvert & accessible. Alors, pour répondre plus précisément à la question, évidemment que j’ai envie que l’on me trouve mais si je veux être totalement honnête, je crois que j’ai envie que l’on me cherche un peu aussi… précisément pour ce que je propose, pour ma plume, pour mon univers … parce que je cherche à exprimer quelque chose de très personnel. Je ne suis pas en quête d’une grande communauté sur Instagram, ni d’un portefeuille client très rempli mais je souhaite m’entourer des « bonnes » personnes ; celles qui vont être touchées par ma proposition, celles chez qui mes mots vont résonner, celles auxquelles je vais pouvoir « apporter » quelque chose… un moment suspendu, une part d’éternité, la saveur d’une parenthèse. Tout l’enjeu de mon projet est là dans cette compréhension de moi, de mes besoins, de mes limites ; de celles que j’entends préserver & de celles qu’il me faut repousser….

Précisément, lorsque j’ai soutenu ma thèse, j’ai signé un contrat. Il s’agit d’un « contrat de mise en ligne d’une thèse soutenue ». Parmi les deux options qui s’offraient à moi, j’ai refusé la mise en ligne de la thèse sans restriction sur internet & j’ai opté pour la mise en ligne sur intranet exclusivement. Des mois que cette décision me questionne alors j’ai demandé une modification. Ainsi, depuis quelques jours, ma thèse est accessible en ligne pour ceux qui souhaite la consulter. Pourquoi avais-je jusqu’alors restreint son accès ? Comment l’expliquer… c’est comme si je donnais la permission d’accéder librement, facilement, à une des parties les plus intimes de moi-même dans le sens où cette thèse est un lien précieux qui me relie à mon essence. J’ai voulu le préserver au maximum comme si le partager revenait à me livrer. C’était aussi une façon de protéger tout ce travail, toutes ces recherches. Il y a une notion de valeur derrière tout cela, la valeur que l’on s’accorde, la valeur qu’on alloue à ce que l’on créé. J’avais l’impression qu’en rendant cette thèse accessible c’était un peu comme l’imprimer & la distribuer à la manière de tracts publicitaires… Alors que moi, ce que je projette pour ces pages, c’est la création d’une bulle… c’est ce moment où l’on s’installe dans un fauteuil bien confortablement, où l’on se sert un verre de vin & que l’on prend cet ouvrage… ce doit être le fruit d’un choix ou d’un appel… Pourquoi le faire maintenant me direz-vous ? Parce que j’en ai assez d’avoir tout le temps peur, parce que je suis parvenue à un stade où cela ne me suffit plus, parce que même si ce travail est en accès libre la spécificité de son sujet me garantit que seules certaines personnes iront consulter ces pages, parce que je ressens le besoin de créer quelque chose à partir de cette matière, de faire émerger quelque chose à partir de ces réflexions. Je ne sais pas si c’est le bon choix, je ne sais pas si cette décision changera quelque chose ; c’est juste un pas de plus vers cette « autre chose » qui m’appelle. Alors, il n’est pas question d’ouvrir grand la porte mais de l’ouvrir un peu plus & d’observer ce qu’il se passe… Il est juste question de laisser la chance à des opportunités, des rencontres de se profiler, de se faufiler & je l’espère de donner naissance à de nouvelles parenthèses.

Carole

 

 

 

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